samedi 2 décembre 2017

Lettre novembre 2017 - 73eme -

Bonjour ou Bonsoir,

"Pourquoi, pourquoi, même quand les gens s'aiment...,
il y'a, il y'a, toujours des problèmes ?!...."
Manu Chao


   Notre rapport au sauvage à l'extérieur reflète celui que nous entretenons avec nos "fauves intérieurs", nos loups intérieurs - tout ce qui, en nous, refuse d'être domestiqué.... "Les animaux, de l'insecte au mammouth, portent la valeur de la vie et l'identité d'un territoire. Ils sont les seuls non corrompus par l'argent et la consommation." nous rappelle Baptiste Morizot dans son décapant ouvrage Les Diplomates, consacré au retour du loup en France.

   Comme lui, j'en ai souvent marre des humains, ils sont souvent lourds. Mais des animaux, jamais. Toutes ces bestioles, il faut les sauver des hommes, qui ont oublié qu'il y a quelque chose sous le macadam, et ne savent plus protéger la vie. "Notre inconscient est un champ de bataille : s'y livre un combat acharné entre l'envie de préserver sa forteresse et le besoin de retrouver une vie plus animale. Si je suis capable de passer une journée à contempler une fleur sauvage, je serais mieux armé pour comprendre et aimer ma femme. L'aimer vraiment, telle qu'elle est, c'est à dire différente de moi" nous redit Charles Foster, une pointure dans le domaine de la vie sauvage. Pour atteindre cette "pleine conscience de l'autre", il faut déjà s'aimer soi-même, accepter son identité propre. Or, le monde contemporain ne nous aide pas à construire notre estime de soi ! D'où chez nos congénères, des crises d'angoisse. A méditer sérieux....

   "La femme incarne dans son corps l'ouverture à l'autre et la capacité d'accueillir la vie. Forcément, elles symbolisent ce qui représente une menace pour les fondamentalistes, à savoir le changement, l'altérité. Le féminin est le genre qui interroge la norme. Voilà pourquoi, dans plusieurs religions, les femmes sont tenues à distance du culte par leurs corps ou leur esprit." nous dit Delphine Horvilleur, femme et rabin (elles ne sont que trois en France). A méditer très sérieux....

   Depuis plusieurs années, je travaille auprès de personnes handicapées. Les personnes handicapées ne sont pas conditionnées. Elles ne veulent pas le pouvoir. Ce sont elles qui m'ont transformé (beaucoup plus que mes formations en sciences sociales, éducatives, humaines), ce sont elles qui m'ont fait accepter mes propres fragilités. Elles m'ont aidé à faire tomber les préjugés qui empêchent de regarder l'autre avec respect. En fait, au fur et à mesure de mon cheminement terrestre, je me suis aperçu qu'il n'y avait que des handicapés sur Terre. Nous sommes tous, vous et moi compris, handicapés quelque part. D'où le fait d'arrêter de se la jouer, de se croire "quelqu'un", de vouloir péter plus haut que notre c.. !

   Sur Terre, nous sommes des terriens, des "t'es rien". De se le répéter chaque jour, comme un mantra, permet aussi de nous détacher de nos "personnages" qui nous collent à la peau, et surtout d'enfin marcher pieds nus sur la Terre sacrée. Et de faire de chaque rencontre un petit bonheur, de ne plus voir l'autre, le différent, comme un ennemi, un prédateur, un concurrent. Le monde du travail ne facilite pas cet esprit, l'éducation nationale non plus, le repli identitaire encore moins. La fragilité ne nous rend-elle pas plus humains ? La faiblesse est une force, appelant à une révolution de la tendresse. Une révolution de la douceur. L'espoir fait vivre....

   Le magazine Marianne, dans son numéro du 11 août dernier, tape sur un certain nombre de vaches sacrées françaises, dont l'asso EPHATA a invité certains d'entre eux à Quimper, ou en apprécie d'autres : Matthieu Ricard, Pierre Rabhi, Frédéric Lenoir, Jean d'Ormesson, Bob Dylan, Vincent Lindon, Emma, JJ Goldman, Yann Barthès, pour ne citer qu'eux. Marianne leur reproche de cultiver des amitiés avec les grands de ce monde, de ratisser large, de conforter les puissants en n'attaquant rien ni personne, de se laisser taper dans le dos par les très (très) riches trop contents de pouvoir s'afficher à leurs côtés, de surfer sur la vague spiritualo-écolo-bio-psycho branchée ! Le tout en se faisant un paquet d'argent à coup de bouquins réguliers qui servent tous la même soupe spi-affective. 
   Et paf pour nos illusions d'optique, à nous, chercheurs honnêtes un peu naïfs.

   Je vous le dis depuis longtemps : méfions-nous des gens qui veulent notre bien ! Des gourous contemporains qui nous font rêver d'une vie meilleure à coup de techniques orientalo-psycho-spirituelles. Ni dieu ni maître (surtout humains) ! Sauf le vôtre, c'est à dire votre voix intérieure, votre discernement, votre bon sens, votre adultisme. Même les enfants ne croient plus à nos histoires d'adultes. C'est dire le niveau où on en est arrivé !

"Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas.
Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète 
pour appeler à vous ses richesses."
Rainer Maria Rilke

Livres qui délivrent :
"Le temps de la consolation" Michaël Foessel
"Le Tout Dernier Eté" Anne Bert (explique les raisons qui la conduisent à demander l'euthanasie... en Belgique)
"Aimer ses parents même quand on en a souffert" Virginie Megglé (pour ne pas rester enfermé dans un ressentiment douloureux)
"Désobéir" Frédéric Gros (de l'art et de la grâce de la désobéissance)
"Puis plus pluie" François David (recueil empli de mélancolie et de délicatesse)
"Le coup de pioche du prospecteur" Alexandre Missoffe (des raisons de se réjouir follement contagieuses)

Sites
www.entretiensdevalpre.org (Lyon 17 novembre)
www.co-naissances.com (la prise en compte de la fragilité humaine dans le monde du travail)
http://asso-israa.fr (pour nos amis autistes)
https://www.lilo.org/fr/?startvideo=true (un moteur de recherche qui fait vraiment la différence)



"J'ai laissé s'envoler le bonheur.
Vivre ne devrait consister qu'en ceci : 
prononcer sans cesse des actions de grâce 
pour remercier le destin du moindre bienfait.
Etre heureux c'est savoir qu'on l'est."
Sylvain Tesson


   Que sais-je de moi à bientôt 60 ans ? Durant toute une vie humaine, à quoi se rapporte l'usage personnel du "je" ? Questions proprement équivoques parce que chargées d'incertitudes. On doit ainsi redouter chez chacun-e d'entre nous à la fois l'inconsistance et la rigidité de notre être personnel, notre précarité (on va tous mourir) et notre inaptitude au changement (par peurs). De là vient notre tendance à nous figer, rigidifier dans la formation infantile ou juvénile de notre personnalité, par crainte, peur. Alors, le risque est que notre moitende à s'effacer pour avoir cherché à se préserver du changement. Car, à travers le refus d'évoluer, on renonce à devenir soi-même.

   Et devenir soi-même, mes amis, c'est l'un des buts de notre pratique du Yoga ! L'être humain est une oeuvre à faire, une chance à tenter, une possibilité ouverte (ephata), un risque à courir, une aventure. Rien que ça.... Le Dr Jacques Sarano nous dit : "La psychologie moderne et la réflexion sur nous-même peuvent nous aider à surmonter trois sortes de difficultés : celle de nous reconnaître et de nous accepter tels que nous sommes ; celle de nous accomplir pleinement puisque, même devenus adultes, nous restons à l'état de projet inachevé ; celle enfin de découvrir hors de nous ce qui pourra constituer une raison durable d'attention, d'action et d'attente". Un seul mot très simple suffit à désigner l'ensemble de ces préoccupations : la fidélité. La fidélité à soi-même. Bon voyage !....

   Durant les vacances de Toussaint, je suis allé randonner dans les calanques de Cassis en compagnie d'amis. Voilà encore un lieu de toute beauté dans notre pays : l'auberge de jeunesse La Fontasse. Savoir si Dieu ou le hasard est responsable de cette beauté m'importe peu. "Faut-il connaître la cause pour jouir de l'effet ?" nous demande le poète.

   Un grand "gourou" vient de nous quitter. Il disait : "Comme tous les gens qui ont un peu d'humour, je suis très pessimiste. En revanche, j'aime les autres. C'est essentiel." Jean Rochefort prenait la vie avec une élégante nonchalance. L'oeil bleu pétillant, sa moustache dissimulant son sourire narquois, l'écharpe du dandy, l'humour en prime. Salut l'artiste ! Décidément, ces derniers temps, ils s'en vont tous au paradis (à dieu Danielle Darrieux !).

   Je remercie du fond du coeur toutes les personnes qui suivent mes cours cette année. C'est le double de l'année dernière, et c'est un véritable bonheur de cheminer avec vous. Vous me demandez parfois ce que l'on fait en cours : "J'apprends aux gens à appuyer sur le bouton pause, à être eux-même, singuliers, uniques... dans un groupe, à exprimer leur souffle-son, à penser sur le mode JE, à goûter à la liberté d'être ensemble, simplement, joyeusement, et plus si affinités....". A l'image de l'instit' breton libertaire Emile Masson, je me vois bien tel un "professeur de liberté" : aucune théorie, aucune croyance, aucune école de pensée, mais relié à l'Universel.

   Je vous souhaite le meilleur,
   Jacques

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire